« Parler de vous c’est parler du moulin tant votre âme est empreinte de ce moulin et tant l’âme de ce moulin est emplie de la vôtre » a déclaré Sébastien Lecornu, samedi, à Suzanne Lipinska, devant un parterre d’invités, dont Bernard Leroy, président de l’Agglo Seine-Eure et Jean-Marc Moglia, maire d’Andé.

Dans sa robe beige, coiffée de son éternelle natte, un sourire accroché aux lèvres, celle qui a donné une identité au Moulin d’Andé écoute le président du Département retracer sa vie.

L’histoire de Suzanne Lipinska avec ce moulin c’est d’abord une histoire familiale. Enfant, elle venait de Connelles, la commune voisine, pour passer ses journées à l’ombre du saule, quand le moulin appartenait encore à Louis Renault. Son père finit par l’acheter et lui offre en cadeau de mariage. A son divorce en 1956, Suzanne décide de s’y installer avec ses 3 enfants.

La bâtisse ne comportait que 3 chambres, une salle de bain et un dortoir, mais elle en ouvre grand les portes à ses amis artistes, qui invitent les leurs. Le lieu est propice à l’émulation intellectuelle. Ecrivains, peintres, musiciens, cinéastes s’y retrouvent joyeusement. Dans cette « ruche artistique » émergent des œuvres qui marqueront leur époque et Suzanne n’hésite pas à réaménager les lieux en fonction des besoins des uns et des autres.

En 1962, Suzanne crée l’association culturelle du moulin d’Andé qui inscrit le moulin dans cette vocation d’accueil d’artistes. « Vous n’aimez pas vous définir comme une artiste. Pourtant, il faut bien des dons d’accueil et de générosité que vous avez hissés au rang d’art. Comment expliquer sinon tous ces chefs-d’œuvre qui n’auraient pu naître si leurs auteurs n’avaient trouvé ici les conditions idéales pour créer ? » interroge Sébastien Lecornu.

Poursuivre l’œuvre de Suzanne

60 ans plus tard, les créations sont toujours au cœur du moulin. Pour que cette vocation ne s’éteigne pas, le fonds de dotation Suzanne Lipinska a été créé. Il permet d’assurer l’entretien des lieux. « D’autres outils seront créés et portés par ceux qui aiment le moulin et veulent poursuivre l’œuvre de Suzanne » invite Sébastien Lecornu, avant d’accrocher l’insigne d’officier de la Légion d’Honneur sur sa robe.

« Je n’ai pas peint de tableau, je n’ai pas écrit de livre immortel, je n’ai pas dirigé d’orchestre, mais j’ai toujours essayé d’assurer le cadre pour tous ceux qui en avaient besoin » a remercié Suzanne humblement.

« Le 29 juin 1957, entourée de quelques amis écrivains et peintres, nous avons décidé de donner un premier concert de musique ancienne. Ce jour-là, j’officialisais le rêve de toute ma vie : faire vivre le moulin, en faire un lieu de création, de partage et d’échange et ne plus le quitter » retrace Suzanne.

60 ans plus tard, le moulin est toujours un point d’ancrage de la culture, essentiel pour de très nombreux artistes.