Artisanat d'art
Les trois anniversaires d’Agathe Bejerano Calderon
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Les instruments pendent au bout d’un lien accroché au plafond. Un temps de séchage nécessaire avant la pose des cordes.
Dans quelques jours, le ténor de viole de gambe et les deux dessus de viole vont quitter les Ateliers St-Cyr pour vivre leur vie. Direction le conservatoire de Marseille où ils seront joués par les élèves.
« C’est un peu difficile de se séparer d’un instrument que l’on a fabriqué. C’est un mélange de joie et de frustration. J’aimerais les entendre mais ce n’est pas toujours possible » confie la luthière.
Cette commande représente un an de travail. Un an, c’est aussi le temps qu’elle vient de passer aux Ateliers St-Cyr. A ces deux anniversaires s’en ajoute un troisième : les deux ans de création de son entreprise. « C’est une vraie satisfaction. Depuis l’école de lutherie, dans les Vosges, j’ai confectionné 11 instruments » précise Agathe.
A la rencontre des musiciens
Avant de les livrer aux élèves marseillais, Agathe s’arrêtera en chemin pour les faire essayer à des musiciens en cours de professionnalisation ou déjà professionnels. « C’est important pour moi d’avoir leur retour. Leurs avis sont toujours constructifs et me seront utiles pour les futurs instruments que je fabriquerai » explique la luthière.
Elle partira donc présenter ses créations à Paris, Lyon, en Suisse à Bâle, puis Marseille. C’est un peu la partie « commerciale » de son travail. C’est aussi une manière de nouer des relations professionnelles avec les musiciens.
« C’est important qu’artistes et luthiers se rencontrent, échangent, se comprennent. Un instrument n’est jamais tout à fait le même en fonction du luthier, et de celui qui va l’utiliser. Il peut être joué par une seule personne ou plusieurs comme ce sera le cas pour mes trois violes de gambe. Le bois utilisé a aussi une influence sur le son. Rencontrer des musiciens et faire essayer mes instruments est donc très riche d’enseignement pour la suite de ma carrière » affirme-t-elle.
Laisser une trace
Pour ceux-là, elle a utilisé de l’érable, du sycomore ondé, de l’épicéa. Il lui arrive aussi de travailler le buis et l’ébène. Ces bois font de chaque instrument à cordes un objet unique, tout comme les ornementations qu’Agathe peut ajouter.
« Je peux m’associer à d’autres artisans selon la volonté du musicien et le projet. Travailler au sein des Ateliers St-Cyr me permet de découvrir d’autres types d’artisanat. Cela me donne des idées pour la suite. Pourquoi ne pas ajouter de la dorure par exemple » indique-t-elle. Bien réalisées, ces violes de gambe traverseront le temps et les générations.
« Elles me survivront et survivront aux musiciens d’aujourd’hui, admet Agathe. Créer un instrument de musique, c’est une façon de s’inscrire dans un espace-temps différent, de laisser une trace. »