Culture

Quand Gaillon était une prison

Marc Renneville, historien de la Justice, directeur du laboratoire Criminocorpus au CNRS, est l’auteur du bel ouvrage Gaillon, une prison dans un château Renaissance, paru aux éditions de La Martinière. A l’occasion de sa sortie, il a animé une conférence, au château de Gaillon, mardi 15 octobre. Interview.

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Quand Le château de Gaillon est-il devenu une prison ?

A partir du début du XIXe siècle, quand la France a construit des maisons centrales. Le château de Gaillon a commencé à accueillir des hommes en 1816, puis des femmes et des mineurs, donc des enfants de moins de 16 ans. Des aliénés y étaient aussi enfermés.

Gaillon avait-il des spécificités par rapport aux autres prisons de France ?

Oui. Plusieurs formes de détention ont été expérimentées dans le château et dans les jardins hauts. Les enfants eux-mêmes ont construit un quartier industriel en 1820, dans lequel ils seront enfermés ensuite. Il s’agissait d’un grand ensemble dont il subsiste la Maison Grise.

Gaillon avait aussi un quartier spécifique pour les aliénés (créé en 1876) ce qui était unique en France. Enfin, une colonie agricole a été créée en 1847, les terrains agricoles des Douaires, pour les enfants, qui vont persister jusqu’en 1925.

Reste-t-il des traces de ce passé carcéral ?

On en voit un peu dans l’architecture. La galerie sur le val par exemple a été fermée pour devenir le réfectoire des prisonniers. Par contre, on retrouve les grandes ouvertures du cellier, qui servait d’ateliers. Les traces les plus émouvantes sont les mots, les noms ou des dessins, gravés dans la pierre et les murs.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé au château de Gaillon en particulier ?

D’autres lieux emblématiques, devenus prisons, sont plus connus, comme l’abbaye de Fontevraud. Gaillon est passé sous les radars, certainement parce qu’il n’a pas accueilli de détenus très célèbres, hormis le mari de Flora Tristan (André Chazal, qui a tenté de tuer sa femme en lui tirant dessus, ndlr). Or, Gaillon est un lieu passionnant. Une prison est un lieu en mouvement et c’est ce qui le rend intéressant.

Comment avez-vous construit votre ouvrage Gaillon, une prison dans un château Renaissance ?

Je l’ai bâti sur le contraste saisissant entre le magnifique palais des archevêques, ce palais de luxe et de magnificence et cette période sombre dans lequel le château est tombé. On y enfermait des vagabonds, de pauvres gens. La prison à cette époque, sert à gérer la misère sociale. On estime qu’entre 1916 et 1925 (date de fermeture de la colonie des Douaires), Gaillon a « accueilli » 37 600 hommes, 14 000 mineurs et 5 000 femmes. On y comptait la présence de 1 000 détenus en moyenne. Il s’agit d’un passé, même sombre, dont il faut se souvenir.

Gaillon, une prison dans un château Renaissance, éditions de La Martinière. Textes de Marc Renneville. Photos de Guillaume de Laubier. 30 €. En vente au château et en librairie.

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